Fait marquant 2023

Fait marquant 2023

Exposition chronique périnatale au E171 (TiO2) et risque allergique dans la descendance

L’augmentation rapide de la prévalence des allergies alimentaires (AA), observée notamment chez l’enfant, montre l’importance des facteurs environnementaux précoces dans l’étiologie de cette pathologie. Les AA résultent d’altérations de l’homéostasie intestinale, dont la mise en place précoce dépend d’un dialogue complexe entre le microbiote, la barrière épithéliale et le système immunitaire. Différents contaminants et additifs alimentaires, tel que le E171 (TiO2, constitué en partie de nanoparticules), peuvent interférer avec un ou plusieurs acteurs de cette homéostasie, mais peu de données sont disponibles quant à l’effet d’expositions chroniques pré/périnatales à ces composés sur sa mise en place, et in fine sur la santé de la descendance. Nous avons donc mis en oeuvre chez la souris un modèle mère-enfant d’exposition chronique au E171, débutant dès la conception et se poursuivant dans la descendance après le sevrage. Nous avons démontré que cette exposition perturbe les trois composantes de l’homéostasie intestinale en début de vie, de façon plus marquée dans la descendance mâle. Les souriceaux mâles exposés développent ensuite une allergie alimentaire plus intense au lait de vache– une source allergénique majeure chez l’enfant. Nos travaux fournissent ainsi des modèles réalistes permettant d’évaluer les risques sanitaires liés à une exposition chronique précoce à un additif alimentaire tel que le E171, et nos résultats montrent que de telles expositions pourraient contribuer à l’épidémie d’allergies alimentaires actuellement observée.

Voir aussi

L’utilisation de l’additif alimentaire E171 (TiO2, comportant une fraction nanométrique) a été récemment interdite en Europe du fait de suspicion de génotoxicité1, 2. En parallèle, les autorités de Santé mentionnaient que l’évaluation du risque sanitaire de cet additif demeurait incomplète, notamment quant à ses effets sur la santé de la descendance suite à une exposition chronique en période périnatale. De précédents travaux montrent en effet que TiO2 passe la barrière placentaire chez l’homme3, et que son exposition bloque l’induction de la tolérance orale4 et perturbe le dialogue microbiote-système immunitaire5 chez l’animal adulte. Nous avons donc cherché à évaluer l’impact d’une exposition chronique pré- et périnatale au E171 sur le risque allergique dans la jeune descendance, et à en décrire les potentiels mécanismes sous-jacents.

Résultats :

Dans un modèle d’exposition chronique à dose humaine chez la souris, initiée dès la conception et se poursuivant dans la descendance après le sevrage, nos travaux démontrent que le E171 prédispose les jeunes mâles à développer une plus forte réaction allergique aux protéines du lait de vache, tandis que leur capacité à induire la tolérance orale est altéree. Des approches multi-omiques chez les mâles au niveau basal, c’est-à-dire avant induction de la tolérance/allergie, montraient une altération de l’homéostasie intestinale caractérisée par i) une augmentation de la perméabilité intestinale et une altération de l’expression des gènes codant pour des protéines de jonctions intercellulaires dans le tissu jéjunal, ii) une dysbiose intestinale (augmentation de la diversité du microbiote;  augmentation des Rikinellaceae et diminution des Lachnospiraceae), et iii) des modifications de la fréquence de différentes populations immunitaires dans la lamina propria et les plaques de Peyer de l’intestin grêle, ainsi qu’au niveau systémique (effets associés à des modifications des concentrations en anticorps et cytokines circulantes). De plus, différentes voies métaboliques étaient altérées, tant au niveau local que systémique (i.e. voies du métabolisme des purines et des sphingolipides). Toutes ces différentes apparaissaient moins marquées chez les jeunes femelles, concluant à un dimorphisme sexuel marqué.